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LES ROUGON-MACQUART.

— Et tes parents, comment vont-ils ? demanda Sandoz.

Une flamme ralluma les yeux éteints de Dubuche.

— Oh ! mes parents, ils sont heureux. Je leur ai acheté une petite maison, où ils mangent la rente que j’ai fait mettre au contrat… N’est-ce pas ? maman avait assez avancé pour mon instruction, il fallait bien tout rendre, comme je l’avais promis… Ça, je peux le dire, mes parents n’ont pas de reproches à m’adresser.

On était arrivé à la grille, on stationna quelques minutes. Enfin, il serra de son air brisé les mains de ses vieux camarades ; puis, gardant un instant celle de Claude, il conclut, dans une simple constatation, où il n’y avait même pas de colère :

— Adieu, tâche de t’en sortir… Moi, j’ai raté ma vie.

Et ils le virent s’en retourner, poussant Alice, soutenant les pas déjà trébuchants de Gaston, lui-même avec le dos voûté et la marche lourde d’un vieillard.

Une heure sonnait, tous deux se hâtèrent de descendre vers Bennecourt, attristés, affamés. Mais d’autres mélancolies les y attendaient, un vent meurtrier avait passé là : les Faucheur, le mari, la femme, le père Poirette, étaient morts ; et l’auberge, tombée aux mains de cette oie de Mélie, devenait répugnante de saleté et de grossièreté. On leur y servit un déjeuner abominable, des cheveux dans l’omelette, des côtelettes sentant le suint, au milieu de la salle grande ouverte à la pestilence du trou à fumier, tellement remplie de mouches, que les tables en étaient noires. La chaleur de la brûlante après-midi d’août entrait avec la puanteur, ils n’eurent pas le courage de commander du café, ils se sauvèrent.