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LES ROUGON-MACQUART.

vers un coin du salon, trouant le mur, allant là-bas, où quelque chose l’avait appelé. Puis, il se troublèrent, ils revinrent, tandis qu’il disait :

— Bah ! tu parles pour toi. Si je crevais, moi, j’aurais tort… N’importe, ton bouquin m’a fichu une sacrée fièvre. J’ai voulu peindre aujourd’hui, impossible ! Ah ! ça va bien que je ne puisse pas être jaloux de toi, autrement tu me rendrais trop malheureux.

Mais la porte s’était ouverte, et Mathilde entra, suivie de Jory. Elle avait une toilette riche, une tunique de velours capucine, sur une jupe de satin paille, avec des brillants aux oreilles et un gros bouquet de roses au corsage. Et ce qui étonnait Claude, c’était qu’il ne la reconnaissait pas, devenue très grasse, ronde et blonde, de maigre et brûlée qu’elle était. Sa laideur inquiétante de fille se fondait dans une enflure bourgeoise de la face, sa bouche aux trous noirs montrait maintenant des dents trop blanches, quand elle voulait bien sourire, d’un retroussement dédaigneux des lèvres. On la sentait respectable avec exagération, ses quarante-cinq ans lui donnaient du poids, à côté de son mari plus jeune, qui semblait être son neveu. La seule chose qu’elle gardait était une violence de parfums, elle se noyait des essences les plus fortes, comme si elle eût tenté d’arracher de sa peau les senteurs d’aromates dont l’herboristerie l’avait imprégnée ; mais l’amertume de la rhubarbe, l’âpreté du sureau, la flamme de la menthe poivrée persistaient ; et le salon, dès qu’elle le traversa, s’emplit d’une odeur indéfinissable de pharmacie, corrigée d’une pointe aiguë de musc.

Henriette, qui s’était levée, la fit asseoir en face de Christine.