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L’ŒUVRE.

— Vous vous connaissez, n’est-ce pas ? Vous vous êtes déjà rencontrées ici.

Mathilde eut un regard froid sur la toilette modeste de cette femme, qui, disait-on, avait vécu longtemps avec un homme, avant d’être mariée. Elle était d’une rigidité excessive sur ce point, depuis que la tolérance du monde littéraire et artistique l’avait fait admettre elle-même dans quelques salons. D’ailleurs, Henriette, qui l’exécrait, reprit sa conversation avec Christine, après les strictes politesses d’usage.

Jory avait serré les mains de Claude et de Sandoz. Et, debout avec eux, devant la cheminée, il s’excusait, auprès de ce dernier, d’un article paru le matin même dans sa revue, qui maltraitait le roman de l’écrivain.

— Mon cher, tu le sais, on n’est jamais le maître chez soi… Je devrais tout faire, mais j’ai si peu de temps ! Imagine-toi que je ne l’avais même pas lu, cet article, me fiant à ce qu’on m’en avait dit. Aussi tu comprends ma colère, quand je l’ai parcouru tout à l’heure… Je suis désolé, désolé…

— Laisse donc, c’est dans l’ordre, répondit tranquillement Sandoz. Maintenant que mes ennemis se mettent à me louer, il faut bien que ce soient mes amis qui m’attaquent.

De nouveau, la porte s’entre-bâilla, et Gagnière se glissa doucement, de son air vague d’ombre falotte. Il arrivait droit de Melun, et tout seul, car il ne montrait sa femme à personne. Quand il venait dîner ainsi, il gardait à ses souliers la poussière de la province, qu’il remportait le soir même, en reprenant un train de nuit. Du reste, il ne changeait pas, l’âge semblait le rajeunir, il blondissait en vieillissant.