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LES ROUGON-MACQUART.

donnerais un coup de main, quand tu aurais un journal à toi…

— Ah ! permets, permets…

Gagnière se joignit à Mahoudeau.

— C’est vrai, ça ! Tu ne vas plus raconter qu’on te coupe ce que tu écris sur nous, puisque tu es le maître… Et jamais un mot, tu ne nous as pas seulement nommés, dans ton dernier Salon.

Gêné et bégayant, Jory s’emporta à son tour.

— Eh ! c’est la faute de ce bougre de Claude !… Je n’ai pas envie de perdre mes abonnés, pour vous être agréable. Vous êtes impossibles, là, comprenez-vous ! Toi, Mahoudeau, tu peux te décarcasser à faire des petites choses gentilles ; toi, Gagnière, tu auras beau même ne plus rien faire du tout : vous avez une étiquette dans le dos, il vous faudra dix ans d’efforts avant de la décoller ; et encore, on en a vu qui ne se décollaient jamais… Le public s’amuse, vous savez ! il n’y avait que vous pour croire au génie de ce grand toqué ridicule, qu’on enfermera un de ces quatre matins.

Alors, ce fut terrible, tous les trois parlèrent à la fois, en arrivèrent aux reproches abominables, avec des éclats tels, des coups si durs de mâchoires, qu’ils semblaient se mordre.

Sur le canapé, Sandoz, troublé dans les gais souvenirs qu’il évoquait, avait dû lui-même prêter l’oreille à ce tumulte, qui lui arrivait par la porte ouverte.

— Tu entends, lui dit Claude très bas, avec un sourire de souffrance, ils m’arrangent bien !… Non, non, reste là, je ne veux pas que tu les fasses taire. J’ai mérité ça, puisque je n’ai pas réussi.

Et Sandoz, pâlissant, continua d’écouter cet enra-