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LES ROUGON-MACQUART.

yeux sévères dont elle le regardait, ayant à régler un compte.

Alors, derrière eux, Sandoz cria, hors de lui :

— C’est la fin, c’est fatalement le journaliste qui traite les autres de ratés, le bâcleur d’articles tombé dans l’exploitation de la bêtise publique !… Ah ! Mathilde la Revanche !

Il ne restait que Christine et Claude. Ce dernier, depuis, que le salon se vidait, affaissé au fond d’un fauteuil, ne parlait plus, repris par cette sorte de sommeil magnétique qui le raidissait, les regards fixes, très loin, au delà des murs. Sa face se tendait, une attention convulsée la portait en avant : il voyait certainement l’invisible, il entendait un appel du silence.

Christine s’était levée à son tour, en s’excusant de partir ainsi les derniers. Henriette lui avait saisi les mains, et elle lui répétait combien elle l’aimait, elle la suppliait de venir souvent, d’user d’elle en tout comme d’une sœur ; tandis que la triste femme, d’un charme si douloureux dans sa robe noire, secouait la tête avec un pâle sourire.

— Voyons, lui dit Sandoz à l’oreille, après avoir jeté un coup d’œil sur Claude, il ne faut pas vous désoler ainsi… Il a beaucoup causé, il a été plus gai ce soir. Ça va très bien.

Mais elle, d’une voix de terreur :

— Non, non, regardez ses yeux… Tant qu’il aura ces yeux-là, je tremblerai… Vous avez fait ce que vous avez pu, merci. Ce que vous n’avez pas fait, personne ne le fera. Ah ! que je souffre, de ne plus compter, moi ! de ne rien pouvoir !

Et tout haut :

— Claude, viens-tu ?