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LES ROUGON-MACQUART.

dénicher ! Avant-hier, j’ai découvert un architecte qui travaille pour un grand entrepreneur, oh ! non, on n’a pas idée d’un architecte de cette ignorance : un vrai goujat, incapable de se tirer d’un décalque ; et il me donne vingt-cinq sous de l’heure, je lui remets ses maisons debout… Ça tombe joliment bien, la mère m’avait signifié qu’elle était complètement à sec. Pauvre mère, en ai-je de l’argent à lui rendre !

Comme Dubuche parlait évidemment pour lui, remâchant ses idées de tous les jours, sa continuelle préoccupation d’une fortune prompte, Sandoz ne prenait pas la peine de l’écouter. Il avait ouvert la petite fenêtre, il s’était assis au ras du toit, souffrant à la longue de la chaleur qui régnait dans l’atelier. Mais il finit par interrompre l’architecte.

— Dis donc, est-ce que tu viens dîner jeudi ?… Ils y seront tous, Fagerolles, Mahoudeau, Jory, Gagnière.

Chaque jeudi, on se réunissait chez Sandoz, une bande, les camarades de Plassans, d’autres connus à Paris, tous révolutionnaires, animés de la même passion de l’art.

— Jeudi prochain, je ne crois pas, répondit Dubuche. Il faut que j’aille dans une famille, où l’on danse.

— Est-ce que tu espères y carotter une dot ?

— Tiens ! ce ne serait déjà pas si bête !

Il tapa sa pipe sur la paume de sa main gauche, pour la vider ; et, avec un soudain éclat de voix :

— J’oubliais… J’ai reçu une lettre de Pouillaud.

— Toi aussi !… Hein ? est-il assez vidé, Pouillaud ! En voilà un qui a mal tourné !

— Pourquoi donc ? Il succédera à son père, il mangera tranquillement son argent, là-bas. Sa lettre