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III


Le commencement de la semaine fut désastreux pour Claude. Il était tombé dans un de ces doutes qui lui faisaient exécrer la peinture, d’une exécration d’amant trahi, accablant l’infidèle d’insultes, torturé du besoin de l’adorer encore ; et, le jeudi, après trois horribles journées de lutte vaine et solitaire, il sortit dès huit heures du matin, il referma violemment sa porte, si écœuré de lui-même qu’il jurait de ne plus toucher un pinceau. Quand une de ces crises le détraquait, il n’avait qu’un remède : s’oublier, aller se prendre de querelle avec des camarades, marcher surtout, marcher au travers de Paris, jusqu’à ce que la chaleur et l’odeur de bataille des pavés lui eussent remis du cœur au ventre.

Ce jour-là, comme tous les jeudis, il dînait chez Sandoz, où il y avait réunion. Mais que faire jusqu’au soir ? L’idée de rester seul, à se dévorer, le désespérait. Il aurait couru tout de suite chez son ami, s’il ne s’était dit que ce dernier devait être à son bureau. Puis, la pensée de Dubuche lui vint, et il hésita, car leur vieille camaraderie se refroidissait depuis quel-