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LES ROUGON-MAQUART.

femme l’arrêta. C’était sa femme de ménage, qui d’habitude venait deux heures le matin et deux heures le soir ; seulement, le jeudi, elle restait l’après-midi entière, pour le dîner.

— Alors, demanda-t-elle, c’est décidé, monsieur : de la raie et un gigot avec des pommes de terre ?

— Oui, si vous voulez.

— Et combien faut-il que je mette de couverts ?

— Ah ! ça, on ne sait jamais… Mettez toujours cinq couverts, on verra ensuite. Pour sept heures, n’est-ce pas ? Nous tâcherons d’y être.

Puis, sur le palier, pendant que Claude attendait un instant, Sandoz se glissa chez sa mère ; et, quand il en fut ressorti, du même mouvement discret et tendre, tous deux descendirent, silencieux. Dehors, après avoir flairé à gauche et à droite, comme pour prendre le vent, ils finirent par remonter la rue, tombèrent sur la place de l’Observatoire, enfilèrent le boulevard du Montparnasse. C’était leur promenade ordinaire, ils y aboutissaient quand même, aimant ce large déroulement des boulevards extérieurs, où leur flânerie vaguait à l’aise. Ils ne parlaient toujours pas, la tête lourde encore, rassérénés peu à peu d’être ensemble. Devant la gare de l’Ouest seulement, Sandoz eut une idée.

— Dis donc, si nous allions chez Mahoudeau voir où en est sa grande machine ? Je sais qu’il a lâché ses bons dieux aujourd’hui.

— C’est ça, répondit Claude. Allons chez Mahoudeau.

Ils s’engagèrent tout de suite dans la rue du Cherche-Midi. Le sculpteur Mahoudeau avait loué, à quelques pas du boulevard, la boutique d’une fruitière tombée en faillite ; et il s’y était installé, en se con-