Page:Emile Zola - L’Argent.djvu/369

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laine. De même, une brume noyait ses yeux, une clameur faisait bourdonner ses oreilles. Tandis qu’il sortait de la Bourse et qu’il descendait le perron, il ne reconnaissait plus les gens, c’étaient des fantômes flottants qui l’entouraient, des formes vagues, des sons perdus. N’avait-il pas vu passer la large face grimaçante de Busch ? Ne s’était-il pas arrêté un instant pour causer avec Nathansohn, très à l’aise, et dont la voix affaiblie lui paraissait venir de loin ? Sabatani et Massias ne l’accompagnaient-ils pas, au milieu de la consternation générale ? il se revoyait, entouré d’un groupe nombreux, peut-être Sédille et Maugendre encore, toutes sortes de figures qui s’effaçaient, se transformaient. Et, comme il allait s’éloigner, se perdre dans la pluie, dans la boue liquide dont Paris était submergé, il répéta d’une voix aiguë à tout ce monde fantomatique, mettant sa gloire dernière à montrer sa liberté d’esprit :

— Ah ! que je suis donc contrarié de ce camélia qu’on a oublié dans ma cour, et qui est mort de froid !