Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/187

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tisonnait violemment, et des braises, s’échappant du cendrier, tombaient dessous, dans la fosse.

— J’ai trop faim, je vas casser une croûte, dit-il. Est-ce que vous en êtes ?

Jacques ne répondit pas. Malgré sa hâte, il ne voulait pas quitter la Lison, avant que les feux fussent renversés et la chaudière vidée. C’était un scrupule, une habitude de bon mécanicien, dont il ne se départait jamais. Lorsqu’il avait le temps, il ne s’en allait même qu’après l’avoir visitée, essuyée, avec le soin qu’on met à panser une bête favorite.

L’eau coula dans la fosse, à gros bouillons, et il dit seulement alors :

— Dépêchons, dépêchons.

Un formidable coup de tonnerre lui coupa la parole. Cette fois, les hautes fenêtres, sur le ciel en flamme, s’étaient détachées si nettement, qu’on aurait pu en compter les vitres cassées, très nombreuses. À gauche, le long des étaux, qui servaient pour les réparations, une feuille de tôle, laissée debout, résonna avec la vibration persistante d’une cloche. Toute l’antique charpente du comble avait craqué.

— Bougre ! dit simplement le chauffeur.

Le mécanicien eut un geste de désespoir. C’était fini, d’autant plus que, maintenant, une pluie diluvienne s’abattait sur le hangar. Le roulement de l’averse menaçait de crever le vitrage du toit. Là-haut, également, des carreaux devaient être brisés, car il pleuvait sur la Lison, de grosses gouttes, en paquets. Un vent furieux entrait par les portes laissées ouvertes, on aurait dit que la carcasse de la vieille bâtisse allait être emportée.

Pecqueux achevait d’accommoder la machine.

— Voilà ! on verra clair demain… Pas besoin de lui faire davantage la toilette…

Et, revenant à son idée :