Page:Emile Zola - La Bête humaine.djvu/92

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morin… Il pouvait être onze heures un quart, n’est-ce pas ?

Il la regardait fixement, elle répéta d’une voix docile :

— Oui, onze heures un quart.

Mais ses yeux s’étaient arrêtés sur le coussin noir de sang, elle eut un spasme, des sanglots profonds jaillirent de sa gorge. Et le chef de gare, ému, empressé, intervint.

— Madame, si vous ne pouviez supporter ce spectacle… Nous comprenons très bien votre douleur.

— Oh ! simplement deux mots, interrompit le commissaire. Nous ferons ensuite reconduire madame chez elle.

Roubaud se hâta de continuer.

— C’est alors, après avoir causé de différentes choses, que monsieur Grandmorin nous annonça qu’il devait partir le lendemain, pour aller à Doinville, chez sa sœur… Je le vois encore assis à son bureau. Moi, j’étais ici ; ma femme était là… N’est-ce pas, ma chère, il nous a dit qu’il partirait le lendemain ?

— Oui, le lendemain.

M. Cauche, qui continuait à prendre au crayon des notes rapides, leva la tête.

— Comment, le lendemain ? mais puisqu’il est parti le soir !

— Attendez donc ! répliqua le sous-chef. Même, quand il sut que nous repartions le soir, il eut un instant l’idée de prendre l’express avec nous, si ma femme voulait bien le suivre jusqu’à Doinville, où elle passerait quelques jours chez sa sœur, comme cela était arrivé déjà. Mais ma femme, qui avait beaucoup à faire ici, a refusé… N’est-ce pas, tu as refusé ?

— J’ai refusé, oui.

— Et voilà, il a été très gentil… Il s’était occupé de moi, il nous a accompagnés jusqu’à la porte de son cabinet… N’est-ce pas, ma chère ?

— Oui, jusqu’à la porte.