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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/104

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LES ROUGON-MACQUART.

blée. Le double battant rembourré retomba derrière elle doucement, avec un soupir étouffé.

De là, Marthe alla chez madame de Condamin. Elle était heureuse de marcher au grand air, dans les rues ; les quelques courses qui lui restaient à faire lui semblaient une partie de plaisir. Madame de Condamin la reçut avec des étonnements d’amitié. Cette chère madame Mouret venait si rarement ! Lorsqu’elle sut de quoi il s’agissait, elle se déclara enchantée, prête à tous les dévouements. Elle était vêtue d’une délicieuse robe mauve à nœuds de ruban gris perle, dans un boudoir où elle jouait à la Parisienne exilée en province.

— Que vous avez bien fait de compter sur moi ! dit-elle en serrant les mains de Marthe. Ces pauvres filles, qui leur viendra donc en aide, si ce n’est nous autres, qu’on accuse de leur donner le mauvais exemple du luxe… Puis c’est affreux de penser que l’enfance est exposée à toutes ces vilaines choses. J’en ai été malade… Disposez absolument de moi.

Et quand Marthe lui eut appris que sa mère ne pouvait faire partie du comité, elle redoubla encore de bon vouloir.

— C’est bien fâcheux qu’elle ait tant d’occupations, reprit-elle avec une pointe d’ironie ; elle nous aurait été d’un grand secours… Mais que voulez-vous ? nous ferons ce que nous pourrons. J’ai quelques amis. J’irais voir Monseigneur ; je remuerai ciel et terre, s’il le faut… Nous réussirons, je vous le promets.

Elle ne voulut écouter aucun détail d’aménagement ni de dépense. On trouverait toujours l’argent nécessaire. Elle entendait que l’œuvre fît honneur au comité, que tout y fût beau et confortable. Elle ajouta en riant qu’elle perdait la tête au milieu des chiffres, qu’elle se chargeait particulièrement des premières démarches, de la conduite générale du projet. Cette chère madame Mouret n’était pas habituée à