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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

saires, on risquait d’aboutir à quelque dénouement ridicule. Marthe les rassura, leur donna des chiffres. Alors, elles voulurent savoir quelles dames avaient déjà consenti à faire partie du comité. Le nom de madame de Condamin les laissa muettes. Puis, quand elles surent que madame Rougon s’était excusée, elles se firent plus aimables.

Madame Delangre avait reçu Marthe dans le cabinet de son mari. C’était une petite femme pâle, d’une douceur de servante, dont les débordements étaient restés légendaires à Plassans.

— Mon Dieu, murmura-t-elle enfin, je ne demande pas mieux. Ce serait une école de vertu pour la jeunesse ouvrière. On sauverait bien de faibles âmes. Je ne puis refuser, car je sens que je vous serai très utile par mon mari que ses fonctions de maire mettent en continuel rapport avec tous les gens influents. Seulement je vous demande jusqu’à demain pour vous donner une réponse définitive. Notre situation nous engage à beaucoup de prudence, et je veux consulter monsieur Delangre.

Chez madame Rastoil, Marthe trouva une femme tout aussi molle, très-prude, cherchant des mots purs pour parler des malheureuses qui oublient leurs devoirs. Elle était grasse, celle-ci, et elle brodait une aube très-riche, entre ses deux filles. Elle les avait fait sortir, dès les premiers mots.

— Je vous remercie d’avoir songé à moi, dit-elle ; mais, vraiment, je suis bien embarrassée. Je fais partie déjà de plusieurs comités, je ne sais si j’aurais le temps… J’avais eu la même pensée que vous ; seulement mon projet était plus large, plus complet peut-être. Il y a un grand mois que je me promets d’en aller parler à Monseigneur, sans jamais trouver une minute. Enfin, nous pourrons unir nos efforts. Je vous dirai ma façon de voir, car je crois que vous êtes dans l’erreur sur beaucoup de points… Puisqu’il le faut, je