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LES ROUGON-MACQUART.

monsieur. » Cela opéra une révolution en faveur de l’abbé. Il eut, dès lors, des partisans qui le défendirent contre les attaques de ses ennemis.

Les Mouret, d’ailleurs, étaient devenus l’honorabilité de l’abbé Faujas. Patronné par Marthe, désigné comme le promoteur d’une bonne œuvre dont il refusait modestement la paternité, il n’avait plus, dans les rues, cette allure humble qui lui faisait raser les murs. Il étalait sa soutane neuve au soleil, marchait au milieu de la chaussée. De la rue Balande à Saint-Saturnin, il lui fallait déjà répondre à un grand nombre de coups de chapeau. Un dimanche, madame de Condamin l’avait arrêté à la sortie des vêpres, sur la place de l’Évêché, où elle s’était entretenue avec lui pendant une bonne demi-heure.

— Eh bien ! monsieur l’abbé, lui disait Mouret en riant, vous voilà en odeur de sainteté, maintenant… Et dire que j’étais le seul à vous défendre, il n’y a pas six mois !… Cependant, à votre place, je me méfierais. Vous avez toujours l’évêché contre vous.

Le prêtre haussait légèrement les épaules. Il n’ignorait pas que l’hostilité qu’il rencontrait encore venait du clergé. L’abbé Fenil tenait monseigneur Rousselot tremblant sous la rudesse de sa volonté. Vers la fin du mois de mars, comme le grand vicaire alla faire un petit voyage, l’abbé Faujas parut profiter de cette absence pour rendre plusieurs visites à l’évêque. L’abbé Surin, le secrétaire particulier, racontait que « ce diable d’homme » restait enfermé pendant des heures entières avec monseigneur, et que celui-ci était d’une humeur atroce, après ces longs entretiens. Lorsque l’abbé Fenil revint, l’abbé Faujas cessa ses visites, s’effaçant de nouveau devant lui. Mais l’évêque resta inquiet ; il fut évident que quelque catastrophe s’était produite dans son bien-être de prélat insouciant. À un dîner qu’il donna à son clergé, il fut particulièrement aimable pour l’abbé Faujas, qui n’était