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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/141

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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

aux dames patronnesses. Il avait quarante-cinq ans, possédait une fort belle écriture, disait avoir tenu longtemps les livres dans une maison de commerce. Ces dames l’installèrent immédiatement. Il devait représenter le comité, s’occuper des détails matériels, de dix à quatre heures, dans un bureau qui se trouvait au premier étage de l’œuvre de la Vierge. Ses appointements étaient de quinze cents francs.

— Tu vois qu’ils sont très-tranquilles, ces braves gens, dit Marthe à son mari, au bout de quelques jours.

En effet, les Trouche ne faisaient pas plus de bruit que les Faujas. À deux ou trois reprises, Rose prétendait bien avoir entendu des querelles entre la mère et la fille ; mais aussitôt la voix grave de l’abbé s’élevait, mettant la paix. Trouche, régulièrement, partait à dix heures moins un quart et rentrait à quatre heures un quart ; le soir, il ne sortait jamais. Olympe, parfois, allait faire les commissions avec madame Faujas ; personne ne l’avait encore vue descendre seule.

La fenêtre de la chambre où les Trouche couchaient donnait sur le jardin ; elle était la dernière, à droite, en face des arbres de la sous-préfecture. De grands rideaux de calicot rouge, bordés d’une bande jaune, pendaient derrière les vitres, tranchant sur la façade, à côté des rideaux blancs du prêtre. D’ailleurs, la fenêtre restait constamment fermée. Un soir, comme l’abbé Faujas était avec sa mère, sur la terrasse, en compagnie des Mouret, une petite toux involontaire se fit entendre. L’abbé, levant vivement la tête, d’un air irrité, aperçut les ombres d’Olympe et de son mari qui se penchaient, accoudés, immobiles. Il demeura un instant, les yeux en l’air, coupant la conversation qu’il avait avec Marthe. Les Trouche disparurent. On entendit le grincement étouffé de l’espagnolette.

— Mère, dit le prêtre, tu devrais monter ; j’ai peur que tu ne prennes mal.