parût un peu fade. Ils parlèrent ensuite de nommer monsieur le curé président d’un comité provisoire.
— Je crois, murmura M. Delangre en jetant un coup d’œil à l’abbé Faujas, que cela n’entre pas dans les idées de monsieur le curé.
— Sans doute, je refuse, dit l’abbé en haussant légèrement les épaules ; ma soutane effrayerait les timides, les tièdes. Nous n’aurions que les jeunes gens pieux, et ce n’est pas pour ceux-là que nous ouvrons le cercle. Nous désirons ramener à nous les égarés ; en un mot, faire des disciples, n’est-ce pas ?
— Évidemment, répondit le président.
— Eh bien ! Il est préférable que nous nous tenions dans l’ombre, moi surtout. Voici ce que je vous propose. Votre fils, monsieur Rastoil, et le vôtre, monsieur Delangre, vont seuls se mettre en avant. Ce seront eux qui auront eu l’idée du cercle. Envoyez-les-moi demain, je m’entendrai tout au long avec eux. J’ai déjà un local en vue, avec un projet de statuts tout prêt… Quant à vos deux fils, monsieur Maffre, ils seront naturellement inscrits en tête de la liste des adhérents.
Le président parut flatté du rôle destiné à son fils. Aussi les choses furent-elles ainsi convenues, malgré la résistance du juge de paix, qui avait espéré tirer quelque gloire de la fondation du cercle. Dès le lendemain, Séverin Rastoil et Lucien Delangre se mirent en rapport avec l’abbé Faujas. Séverin était un grand jeune homme de vingt-cinq ans, le crâne mal fait, la cervelle obtuse, qui venait d’être reçu avocat, grâce à la position occupée par son père ; celui-ci rêvait anxieusement d’en faire un substitut, désespérant de lui voir se créer une clientèle. Lucien, au contraire, petit de taille, l’œil vif, la tête futée, plaidait avec l’aplomb d’un vieux praticien, bien que plus jeune d’une année ; la Gazette de Plassans l’annonçait comme une lumière future du barreau. Ce fut