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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/174

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LES ROUGON-MACQUART.

burent chacun un verre de sirop de groseille, dans le petit salon ; et l’on garda avec respect, sur un dressoir, le verre dont s’était servi monseigneur. On raconte encore cette anecdote avec émotion à Plassans. Cela détermina l’adhésion de tous les jeunes gens de la société. Il fut très mauvais genre de ne pas faire partie du cercle de la Jeunesse.

Cependant, Guillaume Porquier rôdait autour du cercle, avec des rires de jeune loup rêvant d’entrer dans la bergerie. Les fils Maffre, malgré la peur affreuse qu’ils avaient de leur père, adoraient ce grand garçon éhonté, qui leur racontait des histoires de Paris, et leur ménageait des parties fines, dans les campagnes des environs. Aussi finirent-ils par lui donner un rendez-vous chaque samedi, à neuf heures, sur un banc de la promenade du Mail. Ils s’échappaient du cercle, bavardaient jusqu’à onze heures, cachés dans l’ombre noire des platanes. Guillaume revenait avec insistance aux soirées qu’ils passaient sous l’église des Minimes.

— Vous êtes encore bons, vous autres, disait-il, de vous laisser mener par le bout du nez… C’est le bedeau, n’est-ce pas, qui vous sert des verres d’eau sucrée, comme s’il vous donnait la communion ?

— Mais non, tu te trompes, je t’assure, affirmait Ambroise. On se croirait absolument dans un des cafés du Cours, le café de France ou le café des Voyageurs… On boit de la bière, du punch, du madère, ce qu’on veut enfin, tout ce qu’on boit ailleurs.

Guillaume continuait de ricaner.

— N’importe, murmurait-il ; moi, je ne voudrais pas boire de toutes leurs saletés ; j’aurais trop peur qu’ils n’eussent mis dedans quelque drogue pour me faire aller à confesse. Je parie que vous jouez la consommation à la main chaude ou à pigeon-vole ?

Les fils Maffre riaient beaucoup de ces plaisanteries. Ils le détrompaient pourtant, lui racontaient que les cartes elles-