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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/175

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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

mêmes étaient permises. Ça ne sentait pas du tout l’église. Et l’on était très-bien, les divans étaient bons, il y avait des glaces partout.

— Voyons, reprenait Guillaume, vous ne me ferez pas croire qu’on n’entend pas les orgues, lorsqu’il y a une cérémonie, le soir, aux Minimes… J’avalerais mon café de travers, rien que de savoir qu’on baptise, qu’on marie et qu’on enterre au-dessus de ma demi-tasse.

— Ça, c’est un peu vrai, disait Alphonse ; l’autre jour, pendant que je faisais une partie de billard avec Séverin, dans la journée, nous avons parfaitement entendu qu’on enterrait quelqu’un. C’était la petite du boucher qui est au coin de la rue de la Banne… Ce Séverin est bête comme tout ; il croyait me faire peur, en me racontant que l’enterrement allait me tomber sur la tête.

— Ah bien ! il est joli, votre cercle ! s’écriait Guillaume. Je n’y mettrais pas les pieds pour tout l’or du monde. Autant vaut-il prendre son café dans une sacristie.

Guillaume se trouvait très-blessé de ne pas faire partie du cercle de la Jeunesse. Son père lui avait défendu de se présenter, craignant qu’il ne fût pas admis. Mais l’irritation qu’il éprouvait devint trop forte ; il lança une demande, sans avertir personne. Cela fit toute une grosse affaire. La commission chargée de se prononcer sur les admissions comptait alors les fils Maffre parmi ses membres. Lucien Delangre était président, et Séverin Rastoil, secrétaire. L’embarras de ces jeunes gens fut terrible. Tout en n’osant appuyer la demande, ils ne voulaient pas être désagréables au docteur Porquier, cet homme si digne, si bien cravaté, qui avait l’absolue confiance des dames de la société. Ambroise et Alphonse conjurèrent Guillaume de ne pas pousser les choses plus loin, en lui donnant à entendre qu’il n’avait aucune chance.

— Laissez donc ! leur répondit-il ; vous êtes des lâches