Paris. Il ne voulait pas entendre parler d’une Faculté de province ; Paris, selon lui, était nécessaire à un garçon qui voulait aller loin. Il mettait dans son fils une grande ambition, disant que de plus bêtes – ses cousins Rougon, par exemple, – avaient fait un joli chemin. Chaque fois que le jeune homme lui semblait gaillard, il fixait son départ aux premiers jours du mois suivant ; puis, la malle n’était jamais prête, le jeune homme toussait un peu, le départ se trouvait de nouveau renvoyé.
Marthe, avec sa douceur indifférente, se contentait de murmurer chaque fois :
— Il n’a pas encore vingt ans. Ce n’est guère prudent d’envoyer un enfant si jeune à Paris… D’ailleurs il ne perd pas son temps ici. Tu trouves toi-même qu’il travaille trop.
Serge accompagnait sa mère à la messe. Il était d’esprit religieux, très-tendre et très-grave. Le docteur Porquier lui ayant recommandé beaucoup d’exercice, il s’était pris de passion pour la botanique, faisant des excursions, passant ensuite ses après-midi à dessécher les herbes qu’il avait cueillies, à les coller, à les classer, à les étiqueter. Ce fut alors que l’abbé Faujas devint son grand ami. L’abbé avait herborisé autrefois ; il lui donna certains conseils pratiques dont le jeune homme se montra très-reconnaissant. Ils se prêtèrent quelques livres, ils allèrent un jour ensemble à la recherche d’une plante que le prêtre disait devoir pousser dans le pays. Quand Serge était souffrant, chaque matin, il recevait la visite de son voisin, qui causait longuement au chevet de son lit. Les autres jours, lorsqu’il se retrouvait sur pied, c’était lui qui frappait à la porte de l’abbé Faujas, dès qu’il l’entendait marcher dans sa chambre. Ils n’étaient séparés que par l’étroit palier, ils finissaient par vivre l’un chez l’autre.
Souvent Mouret s’emportait encore, malgré la tranquillité impassible de Marthe et les yeux irrités de Rose.