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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/181

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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

— Qu’est-ce qu’il peut faire là-haut, ce garnement ? grondait-il. Je passe des journées entières sans seulement l’apercevoir. Il ne sort plus de chez le curé ; ils sont toujours à causer dans les coins… D’abord il va partir pour Paris. Il est fort comme un Turc. Tous ces bobos-là sont des frimes pour se faire dorloter. Vous avez beau me regarder toutes les deux, je ne veux pas que le curé fasse un cagot du petit.

Alors, il guetta son fils. Lorsqu’il le croyait chez l’abbé, il l’appelait rudement.

— J’aimerais mieux qu’il allât voir les femmes ! cria-t-il un jour, exaspéré.

— Oh ! monsieur, dit Rose, c’est abominable, des idées pareilles.

— Oui, les femmes ! Et je l’y mènerai moi-même, si vous me poussez à bout avec votre prêtraille !

Serge fit naturellement partie du cercle de la Jeunesse. Il y allait peu, d’ailleurs, préférant sa solitude. Sans la présence de l’abbé Faujas, avec lequel il s’y rencontrait parfois, il n’y aurait sans doute jamais mis les pieds. L’abbé, dans le salon de lecture, lui apprit à jouer aux échecs. Mouret, qui sut que « le petit » se retrouvait avec le curé, même au café, jura qu’il le conduirait au chemin de fer, dès le lundi suivant. La malle était faite, et sérieusement cette fois, lorsque Serge, qui avait voulu passer une dernière matinée en pleins champs, rentra, trempé par une averse brusque. Il dut se mettre au lit, les dents claquant de fièvre. Pendant trois semaines, il fut entre la vie et la mort. La convalescence dura deux grands mois. Les premiers jours surtout, il était si faible, qu’il restait la tête soulevée sur des oreillers, les bras étendus le long des draps, pareil à une figure de cire.

— C’est votre faute, monsieur ! criait la cuisinière à Mouret. Si l’enfant meurt, vous aurez ça sur la conscience.