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LES ROUGON-MACQUART.

Tant que son fils fut en danger, Mouret, assombri, les yeux rouges de larmes, rôda silencieusement dans la maison. Il montait rarement, piétinait dans le vestibule, à attendre le médecin à sa sortie. Quand il sut que Serge était sauvé, il se glissa dans la chambre, offrant ses services. Mais Rose le mit à la porte. On n’avait pas besoin de lui ; l’enfant n’était pas encore assez fort pour supporter ses brutalités ; il ferait bien mieux d’aller à ses affaires, que d’encombrer ainsi le plancher. Alors, Mouret resta tout seul au rez-de-chaussée, plus triste et plus désœuvré ; il n’avait de goût à rien, disait-il. Quand il traversait le vestibule, il entendait souvent, au second, la voix de l’abbé Faujas, qui passait les après-midi entières au chevet de Serge convalescent.

— Comment va-t-il aujourd’hui, monsieur le curé ? demandait Mouret au prêtre timidement, lorsque ce dernier descendait au jardin.

— Assez bien ; ce sera long, il faut de grands ménagements.

Et il lisait tranquillement son bréviaire, tandis que le père, un sécateur à la main, le suivait dans les allées, cherchant à renouer la conversation, pour avoir des nouvelles plus détaillées sur « le petit ». Lorsque la convalescence s’avança, il remarqua que le prêtre ne quittait plus la chambre de Serge. Étant monté à plusieurs reprises, pendant que les femmes n’étaient pas là, il l’avait toujours trouvé assis auprès du jeune homme, causant doucement avec lui, lui rendant les petits services de sucrer sa tisane, de relever ses couvertures, de lui donner les objets qu’il désirait. Et c’était dans la maison tout un murmure adouci, des paroles échangées à voix basse entre Marthe et Rose, un recueillement particulier qui transformait le second étage en un coin de couvent. Mouret sentait comme une odeur d’encens chez lui ; il lui semblait parfois, au balbutiement des voix, qu’on disait la messe, en haut.