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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

les feuilles les cachaient suffisamment ; puis s’approchant, à voix étouffée :

— Vous oubliez nos conventions, dit-il : vous m’aviez promis de rester chez vous.

— Il fait trop chaud, là-haut, répondit Olympe. Nous ne commettons pas un crime, en venant respirer le frais ici.

Le prêtre allait s’emporter ; mais sa sœur, toute blême de l’effort qu’elle faisait en lui résistant, ajouta d’un ton singulier :

— Ne crie pas ; il y a du monde à côté, tu pourrais te faire du tort.

Les Trouche eurent un petit rire. Il les regarda, il se prit le front, d’un geste silencieux et terrible.

— Assieds-toi, dit Olympe. Tu veux une explication, n’est-ce pas ? Eh bien ! la voici… Nous sommes las de nous claquemurer. Toi, tu vis ici comme un coq en pâte ; la maison est à toi, le jardin est à toi. C’est tant mieux, ça nous fait plaisir de voir que tes affaires marchent bien ; mais il ne faut pas pour cela nous traiter en va-nu-pieds. Jamais tu n’as eu l’attention de me monter une grappe de raisin ; tu nous as donné la plus vilaine chambre ; tu nous caches, tu as honte de nous, tu nous enfermes, comme si nous avions la peste… Comprends-tu, ça ne peut plus durer !

— Je ne suis pas le maître, dit l’abbé Faujas. Adressez-vous à M. Mouret, si vous voulez dévaster la propriété.

Les Trouche échangèrent un nouveau sourire.

— Nous ne te demandons pas tes affaires, poursuivit Olympe ; nous savons ce que nous savons, cela suffit… Tout ceci prouve que tu as un mauvais cœur. Crois-tu que, si nous étions dans ta position, nous ne te dirions pas de prendre ta part ?

— Mais enfin que voulez-vous de moi ? demanda l’abbé. Est-ce que vous vous imaginez que je nage dans l’or ? Vous connaissez ma chambre, je suis plus mal meublé que vous.