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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/223

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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

qu’il posa à leur place, les essuyant, les soignant avec affection, devant Marthe, pour lui rappeler ce qu’il nommait « les vols de Rose. » Jamais il ne la mettait directement en cause. Il la tortura surtout avec une carafe en cristal taillé, vendue pour vingt sous par la cuisinière. Celle-ci, qui avait prétendu l’avoir cassée, devait la lui apporter sur la table, à chaque repas. Un matin, au déjeuner, exaspérée, elle la laissa tomber devant lui.

— Maintenant, monsieur, elle est bien cassée, n’est-ce pas ? dit-elle en lui riant au nez.

Et, comme il la chassait :

— Essayez donc !… Il y a vingt-cinq ans que je vous sers, monsieur. Madame s’en irait avec moi.

Marthe, poussée à bout, conseillée par Rose et par Olympe, se révolta enfin. Il lui fallait absolument cinq cents francs. Depuis huit jours, Olympe sanglotait, en prétendant que si elle n’avait pas cinq cents francs à la fin du mois, un des billets endossés par l’abbé Faujas « allait être publié dans un journal de Plassans. » Ce billet publié, cette menace effrayante qu’elle ne s’expliquait pas nettement, épouvanta Marthe et la décida à tout oser. Le soir, en se couchant, elle demanda les cinq cents francs à Mouret ; puis, comme il la regardait, ahuri, elle parla de ses quinze années d’abnégation, des quinze années passées par elle à Marseille, derrière un comptoir, la plume à l’oreille, ainsi qu’un commis.

— Nous avons gagné l’argent ensemble, dit-elle ; il est à nous deux. Je veux cinq cents francs.

Mouret sortit de son mutisme avec une violence extrême. Tout son emportement bavard reparut.

— Cinq cents francs ! cria-t-il. Est-ce pour ton curé ?… Je fais l’imbécile, maintenant, je me tais, parce que j’en aurais trop à dire. Mais il ne faut pas croire que vous vous moquerez de moi jusqu’à la fin… Cinq cents francs ! Pourquoi pas la maison ! Il est vrai qu’elle est à lui, la maison ! Et il