veut l’argent, n’est-ce pas ? Il t’a dit de me demander l’argent ?… Quand je pense que je suis chez moi comme dans un bois ! On finira par me voler mon mouchoir dans ma poche. Je parie que, si je montais fouiller sa chambre, je trouverais toutes mes pauvres affaires au fond de ses tiroirs. Il me manque trois caleçons, sept paires de chaussettes, quatre ou cinq chemises ; j’ai fait le compte hier. Plus rien n’est à moi, tout disparaît, tout s’en va… Non, pas un sou, pas un sou, entends-tu !
— Je veux cinq cents francs, la moitié de l’argent m’appartient, répéta-t-elle tranquillement.
Pendant une heure, Mouret tempêta, se fouettant, se laissant à crier vingt fois le même reproche. Il ne reconnaissait plus sa femme ; elle l’aimait avant l’arrivée du curé, elle l’écoutait, elle prenait les intérêts de la maison. Il fallait vraiment que les gens qui la poussaient contre lui fussent de bien méchantes gens. Puis, sa voix s’embarrassa ; il se laissa aller dans un fauteuil, rompu, aussi faible qu’un enfant.
— Donne-moi la clef du secrétaire ? demanda Marthe.
Il se releva, mit ses dernières forces dans un cri suprême.
— Tu veux tout prendre, n’est-ce pas ? laisser tes enfants sur la paille, ne pas nous garder un morceau de pain ?… Eh bien ! prends tout, appelle Rose pour qu’elle emplisse son tablier. Tiens, voici la clef.
Et il jeta la clef, que Marthe cacha sous son oreiller. Elle était toute pâle de cette querelle, la première querelle violente qu’elle eût avec son mari. Elle se coucha ; lui, passa la nuit dans le fauteuil. Vers le matin, elle l’entendit sangloter. Elle lui aurait rendu la clef, s’il n’était descendu au jardin comme un fou, bien qu’il fît encore nuit noire.
La paix parut se rétablir. La clef du secrétaire restait pendue à un clou, près de la glace. Marthe, qui n’était pas habituée à voir de grosses sommes à la fois, avait une