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XVI


À dix-sept ans, Désirée riait toujours de son rire d’innocente. Elle était devenue une grande belle enfant, toute grasse, avec des bras et des épaules de femme faite. Elle poussait comme une forte plante, heureuse de croître, insouciante du malheur qui vidait et assombrissait la maison.

— Tu ne ris pas, disait-elle à son père. Veux-tu jouer à la corde ? C’est ça qui est amusant !

Elle s’était emparée de tout un carré du jardin ; elle bêchait, plantait des légumes, arrosait. Les gros travaux étaient sa joie. Puis, elle avait voulu avoir des poules, qui lui mangeaient ses légumes, des poules qu’elle grondait avec des tendresses de mère. À ces jeux, dans la terre, au milieu des bêtes, elle se salissait terriblement.

— C’est un vrai torchon ! criait Rose. D’abord, je ne veux plus qu’elle entre dans ma cuisine, elle met de la boue partout… Allez, madame, vous êtes bien bonne de la pomponner ; à votre place, je la laisserais patauger à son aise.

Marthe, dans l’envahissement de son être, ne veilla même