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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

étaient très-bruyantes ; les rires montaient dans la maison par les fenêtres ouvertes, pendant qu’un fournisseur, qui apportait aux Trouche un panier de vin, faisait au second étage un bruit de vaisselle cassée, en reprenant les bouteilles vides. Mouret était enfermé à double tour dans son bureau.

— La clef m’empêche de voir, dit Rose, après avoir mis un œil à la serrure.

— Attendez, murmura madame Faujas.

Elle tourna délicatement le bout de la clef, qui dépassait un peu. Mouret était assis au milieu de la pièce, devant la grande table vide, couverte d’une épaisse couche de poussière, sans un livre, sans un papier ; il se renversait contre le dossier de sa chaise, les bras ballants, la tête blanche et fixe, le regard perdu. Il ne bougeait pas.

Les deux femmes, silencieusement, l’examinèrent l’une après l’autre.

— Il m’a donné froid aux os, dit Rose en redescendant. Avez-vous remarqué ses yeux ? Et quelle saleté ! Il y a bien deux mois qu’il n’a posé une plume sur le bureau. Moi qui m’imaginais qu’il écrivait là-dedans !… Quand on pense que la maison est si gaie, et qu’il s’amuse à faire le mort, tout seul !