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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/257

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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

prétendait toujours trop occupé. Elle devait se contenter de la compagnie d’Olympe ou de madame Faujas.

Une après-midi, comme elle passait avec Olympe au village des Tulettes, le long de la petite propriété de l’oncle Macquart, celui-ci l’ayant aperçue lui cria, du haut de sa terrasse plantée de deux mûriers :

— Et Mouret ? Pourquoi Mouret n’est-il pas venu ?

Elle dut s’arrêter un instant chez l’oncle, auquel il fallut expliquer longuement qu’elle était souffrante et qu’elle ne pouvait dîner avec lui. Il voulait absolument tuer un poulet.

— Ça ne fait rien, dit-il enfin. Je le tuerai tout de même. Tu l’emporteras.

Et il alla le tuer tout de suite. Quand il eut rapporté le poulet, il l’étendit sur la table de pierre, devant la maison, en murmurant d’un air ravi :

— Hein ? est-il gras, ce gaillard-là !

L’oncle était justement en train de boire une bouteille de vin, sous ses mûriers, en compagnie d’un grand garçon maigre, tout habillé de gris. Il avait décidé les deux femmes à s’asseoir, apportant des chaises, faisant les honneurs de chez lui avec un ricanement de satisfaction.

— Je suis bien ici, n’est-ce pas ?… Mes mûriers sont joliment beaux. L’été, je fume ma pipe au frais. L’hiver, je m’assois là-bas, contre le mur, au soleil… Tu vois mes légumes ? Le poulailler est au fond. J’ai encore une pièce de terre, derrière la maison, où il y a des pommes de terre et de la luzerne… Ah ! dame, je me fais vieux ; c’est bien le temps que je jouisse un peu.

Il se frottait les mains, roulant doucement la tête, couvant sa propriété d’un regard attendri. Mais une pensée parut l’assombrir.

— Est-ce qu’il y a longtemps que tu as vu ton père ? demanda-t-il brusquement. Rougon n’est pas gentil… Là, à gauche, le champ de blé est à vendre. S’il avait voulu, nous