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LES ROUGON-MACQUART.

place, en face de cette grande coquine de maison, je me dis souvent que toute la clique y viendra peut-être un jour, puisque la maman y est… Dieu merci ! je n’ai pas peur pour moi, j’ai la caboche à sa place. Mais j’en connais qui ont un joli coup de marteau… Eh bien, je serai là pour les recevoir, je les verrai de mon trou, je les recommanderai à Alexandre, bien qu’on n’ait pas toujours été gentil pour moi dans la famille.

Et il ajouta avec son effrayant sourire de loup rangé :

— C’est une fameuse chance pour vous tous que je sois aux Tulettes.

Marthe fut prise d’un tremblement. Bien qu’elle connût le goût de l’oncle pour les plaisanteries féroces et la joie qu’il goûtait à torturer les gens auxquels il portait des lapins, il lui sembla qu’il disait vrai, que toute la famille viendrait se loger là, dans ces files grises de cabanons. Elle ne voulut pas rester une minute de plus, malgré les instances de Macquart, qui parlait de déboucher une autre bouteille.

— Eh bien, et le poulet ? cria-t-il, au moment où elle montait en voiture.

Il courut le chercher, il le lui mit sur les genoux.

— C’est pour Mouret, entends-tu ? répétait-il avec une intention méchante ; pour Mouret, pas pour un autre, n’est-ce pas ? D’ailleurs, quand j’irai vous voir, je lui demanderai comment il l’a trouvé.

Il clignait les yeux, en regardant Olympe. Le cocher allait fouetter, lorsqu’il se cramponna de nouveau à la voiture, continuant :

— Va chez ton père, parle-lui du champ de blé… Tiens, c’est le champ qui est là devant nous… Rougon a tort. Nous sommes de trop vieux compères pour nous fâcher. Ça serait tant pis pour lui, il le sait bien… Fais-lui comprendre qu’il a tort.

La calèche partit. Olympe, en se tournant, vit Macquart