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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/283

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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

— Où donc, un soleil ? demanda-t-il. Je ne vois qu’une lune.

Les autres pouffaient, trouvaient cela extrêmement spirituel.

— Une lune ? dit Mouret. Rendez-moi le service de l’effacer ; elle m’a causé des ennuis.

Le capitaine lui donna trois ou quatre tapes, en ajoutant :

— Là ! mon brave, vous voilà débarrassé. Ça ne doit pas être commode d’avoir une lune dans le dos… Vous avez l’air souffrant ?

— Je ne me porte pas très bien, répondit-il de sa voix indifférente.

Et, croyant surprendre des chuchotements sur le banc :

— Oh ! je suis joliment soigné à la maison. Ma femme est très-bonne, elle me gâte… Mais j’ai besoin de beaucoup de repos. C’est pour cela que je ne sors plus, qu’on ne me voit plus comme autrefois. Quand je serai guéri, je reprendrai les affaires.

— Tiens ! interrompit brutalement l’ancien maître tanneur, on prétend que c’est votre femme qui ne se porte pas bien.

— Ma femme ! Elle n’est pas malade, ce sont des mensonges ! s’écria-t-il en s’animant. Elle n’a rien, rien du tout… On nous en veut, parce que nous nous tenons tranquilles chez nous… Ah bien ! malade, ma femme ! Elle est très forte, elle n’a seulement jamais mal à la tête.

Et il continua par phrases courtes, balbutiant avec des yeux inquiets d’homme qui ment et une langue embarrassée de bavard devenu silencieux. Les petits rentiers avaient des hochements de tête apitoyés, tandis que le capitaine se frappait le front de l’index. Un ancien chapelier du faubourg, qui avait examiné Mouret depuis son nœud de cravate jusqu’au dernier bouton de sa redingote, s’était finalement absorbé dans le spectacle de ses souliers. Le lacet du soulier gauche se trouvait dénoué, ce qui paraissait exorbitant au chapelier ;