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LES ROUGON-MACQUART.

À partir de ce dimanche, tout Plassans fut convaincu que Mouret était fou à lier. On citait des faits surprenants. Par exemple, il s’enfermait des journées entières dans une pièce nue, où l’on n’avait pas balayé depuis un an ; et la chose n’était pas inventée à plaisir, puisque les personnes qui la contaient, la tenaient de la bonne même de la maison. Que pouvait-il faire dans cette pièce nue ? Les versions différaient ; la bonne disait qu’il faisait le mort, ce qui épouvantait tout le quartier. Au marché, on croyait fermement qu’il cachait une bière, dans laquelle il s’étendait tout de son long, les yeux ouverts, les mains sur la poitrine ; et cela du matin au soir, par plaisir.

— Il y a longtemps que la crise le menaçait, répétait Olympe dans toutes les boutiques. Ça couvait ; il devenait triste, il cherchait les coins pour se cacher, vous savez, comme les bêtes qui tombent malades. Moi, dès le jour où j’ai mis le pied dans la maison, j’ai dit à mon mari : « Le propriétaire file un vilain coton. » Il avait les yeux jaunes, la mine sournoise. Et depuis lors la maison a été en l’air… Il a eu toutes sortes de lubies. Il comptait les morceaux de sucre, enfermait jusqu’au pain. Il était d’une avarice tellement crasse, que sa pauvre femme n’avait plus de chaussures à se mettre… En voilà une malheureuse, que je plains de tout mon cœur ! Elle en a passé, allez ! Vous figurez-vous sa vie avec ce maniaque, qui ne sait plus même se tenir proprement à table ; il jette sa serviette au milieu du dîner, il s’en va comme un hébété, après avoir pataugé dans son assiette… Et taquin avec cela ! Il faisait des scènes pour un pot de moutarde dérangé. Maintenant il ne dit plus rien ; il a des regards de bête sauvage, il saute à la gorge des gens sans pousser un cri… J’en vois de drôles. Si je voulais parler…

Lorsqu’elle avait éveillé d’ardentes curiosités et qu’on la pressait de questions, elle murmurait :