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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/290

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LES ROUGON-MACQUART.

comme il faut faisant le chien. Le docteur Porquier se moucha gravement.

— Je pourrais citer vingt histoires semblables, ajouta-t-il ; des gens qui paraissent avoir toute leur raison et qui se livrent aux extravagances les plus surprenantes, dès qu’ils se trouvent seuls. M. de Bourdeu a parfaitement connu un marquis, que je ne veux pas nommer, à Valence…

— Il a été mon ami intime, dit M. de Bourdeu ; il dînait souvent à la préfecture. Son histoire a fait un bruit énorme.

— Quelle histoire ? demanda madame de Condamin, en voyant que le docteur et l’ancien préfet se taisaient.

— L’histoire n’est pas très propre, reprit M. de Bourdeu, qui se mit à rire. Le marquis, d’une intelligence faible, d’ailleurs, passait les journées entières dans son cabinet, où il se disait occupé à un grand ouvrage d’économie politique… Au bout de dix ans, on découvrit qu’il y faisait, du matin au soir, de petites boulettes d’égale grosseur avec…

— Avec ses excréments, acheva le docteur d’une voix si grave que le mot passa et ne fit pas même rougir les dames.

— Moi, dit l’abbé Bourrette, que ces anecdotes amusaient comme des contes de fées, j’ai eu une pénitente bien singulière… Elle avait la passion de tuer les mouches ; elle ne pouvait en voir une, sans éprouver l’irrésistible envie de la prendre. Chez elle, elle les enfilait dans des aiguilles à tricoter. Puis, lorsqu’elle se confessait, elle pleurait à chaudes larmes ; elle s’accusait de la mort des pauvres bêtes, elle se croyait damnée… Jamais je n’ai pu la corriger.

L’histoire de l’abbé eut du succès. M. Péqueur des Saulaies et M. Rastoil eux-mêmes daignèrent sourire.

— Il n’y a pas grand mal, lorsqu’on ne tue que des mouches, fit remarquer le docteur. Mais les fous lucides n’ont