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LES ROUGON-MACQUART.

gea pas. Il regardait stupidement son assiette, lorsque la cuisinière introduisit auprès de lui trois messieurs vêtus de noir.

— Vous êtes les médecins ? demanda-t-il. Comment va-t-elle ?

— Elle va mieux, répondit un des messieurs.

Mouret coupa machinalement du pain, comme s’il allait se mettre à manger.

— J’aurais voulu que les enfants fussent là, murmura-t-il ; ils la soigneraient, nous serions moins seuls… C’est depuis que les enfants sont partis qu’elle est malade… Je ne suis pas bien, moi non plus.

Il avait porté une bouchée de pain à sa bouche, et de grosses larmes coulaient sur ses joues. Le personnage qui avait déjà parlé lui dit alors, en jetant un regard sur ses deux compagnons :

— Voulez-vous que nous allions les chercher, vos enfants ?

— Je veux bien ! s’écria Mouret, qui se leva. Partons tout de suite.

Dans l’escalier, il ne vit pas Trouche et sa femme, penchés au-dessus de la rampe du second étage, qui le suivaient à chaque marche, de leurs yeux ardents. Olympe descendit rapidement derrière lui, se jeta dans la cuisine, où Rose guettait par la fenêtre, très-émotionnée. Et quand une voiture, qui attendait à la porte, eut emmené Mouret, elle remonta quatre à quatre les deux étages, prit Trouche par les épaules, le fit danser autour du palier, crevant de joie.

— Emballé ! cria-t-elle.

Marthe resta huit jours couchée. Sa mère la venait voir chaque après-midi, se montrait d’une tendresse extraordinaire. Les Faujas, les Trouche, se succédaient autour de son lit. Madame de Condamin elle-même lui rendit plusieurs visites. Il n’était plus question de Mouret. Rose répondait à