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LES ROUGON-MACQUART.

pour que j’aille offrir des excuses à l’abbé. Moi, je suis entêtée, je me serais plutôt laissé tuer… Mais du moment que l’abbé veut bien faire le premier pas… Certainement, nous ne demandons pas mieux que de vivre en paix avec tout le monde. Nous irons demain à la sous-préfecture.

Le lendemain, les Paloque furent très humbles. La femme dit un mal affreux de l’abbé Fenil. Avec une impudence parfaite, elle raconta même qu’elle était allée le voir, un jour ; il avait parlé en sa présence de jeter à la porte de Plassans « toute la clique de l’abbé Faujas. »

— Si vous voulez, dit-elle au prêtre en le prenant à l’écart, je vous donnerai une note écrite sous la dictée du grand vicaire. Il y est question de vous. Ce sont, je crois, de vilaines histoires qu’il cherchait à faire imprimer dans la Gazette de Plassans.

— Comment cette note est-elle entre vos mains ? demanda l’abbé.

— Elle y est, cela suffit, répondit-elle sans se déconcerter.

Puis, se mettant à sourire :

— Je l’ai trouvée, reprit-elle. Et je me rappelle maintenant qu’il y a, au-dessus d’une rature, deux ou trois mots ajoutés de la main même du grand vicaire… Je confierai tout cela à votre honneur, n’est-ce pas ? Nous sommes de braves gens, nous désirons ne pas être compromis.

Avant d’apporter la note, pendant trois jours, elle feignit d’avoir des scrupules. Il fallut que madame de Condamin lui jurât en particulier que la mise à la retraite de M. Rastoil serait demandée prochainement, de façon que M. Paloque pût enfin hériter de la présidence. Alors, elle livra le papier. L’abbé Faujas ne voulut pas le garder ; il le porta à madame Rougon, en la chargeant d’en faire usage, tout en restant elle-même dans l’ombre, si le grand vicaire paraissait se mêler le moins du monde des élections.

Madame de Condamin laissa aussi entrevoir à M. Maffre