lui donnait la bonhomie respectable de son ventre ; l’abbé Surin, la grâce de son sourire ; monseigneur Rousselot, le charme tout féminin de sa bénédiction pastorale. Les dames de la société ne tarissaient pas sur M. Delangre, elles lui trouvaient un si beau caractère, une figure si fine, si spirituelle ! Madame Rastoil rougissait encore ; Madame Paloque était presque belle en s’enthousiasmant ; quant à Madame de Condamin, elle se serait battue à coups d’éventail pour lui, elle lui gagnait les cœurs par la façon dont elle serrait tendrement la main aux électeurs qui promettaient leurs voix. Enfin, M. Delangre passionnait le cercle de la Jeunesse. Séverin l’avait pris pour héros, tandis que Guillaume et les fils Maffre allaient lui conquérir des sympathies dans les mauvais lieux de la ville. Et il n’était pas jusqu’aux jeunes coquines de l’œuvre de la Vierge qui, au fond des ruelles désertes des remparts, ne jouassent au bouchon avec les apprentis tanneurs du quartier, en célébrant les mérites de M. Delangre.
Au jour du scrutin, la majorité fut écrasante. Toute la ville était complice. Le marquis de Lagrifoul, puis M. de Bourdeu, furibonds tous deux, criant à la trahison, avaient retiré leurs candidatures. M. Delangre était donc resté seul en présence du chapelier Maurin. Ce dernier obtint les voix des quinze cents républicains intraitables du faubourg. Le maire eut pour lui les campagnes, la colonie bonapartiste, les bourgeois cléricaux de la ville neuve, les petits détaillants poltrons du vieux quartier, même quelques royalistes naïfs du quartier Saint-Marc, dont les nobles habitants s’abstinrent. Il réunit ainsi trente-trois mille voix. L’affaire fut menée si rondement, le succès emporté avec une telle gaillardise, que Plassans demeura tout surpris, le soir de l’élection, d’avoir eu une volonté si unanime. La ville crut qu’elle venait de faire un rêve héroïque, qu’une main puissante avait dû frapper le sol pour en tirer ces trente-trois mille électeurs, cette armée légèrement effrayante, dont personne