— Et les Rougon, qu’est-ce qu’ils disent de toutes ces histoires ? Ils sont du parti de l’abbé, n’est-ce pas ?
— Monsieur n’était pas assez aimable pour qu’ils le regrettent, répondit Rose ; il ne savait quelle malice inventer contre eux.
— Ça, il n’avait pas tort, reprit l’oncle. Les Rougon sont des pingres. Quand on pense qu’ils n’ont jamais voulu acheter le champ de blé, là, en face ; une magnifique opération dont je me chargeais… C’est Félicité qui ferait un drôle de nez, si elle voyait revenir François !
Il ricana encore, tourna autour de la table. Et rallumant sa pipe avec un geste de résolution :
— Il ne faut pas oublier l’heure, mon garçon, dit-il à Alexandre avec un nouveau clignement d’yeux. Je vais t’accompagner… Marthe a l’air tranquille, maintenant. Rose mettra la table en m’attendant… Vous devez avoir faim, n’est-ce pas, Rose ? Puisque vous voilà forcée de passer la nuit ici, vous mangerez un morceau avec moi.
Il emmena le gardien. Au bout d’une demi-heure, il n’était pas encore rentré. La cuisinière, qui s’ennuyait d’être seule, ouvrit la porte, se pencha sur la terrasse, regardant la route vide, dans la nuit claire. Comme elle rentrait, elle crut apercevoir, de l’autre côté du chemin, deux ombres noires plantées au milieu d’un sentier, derrière une haie.
— On dirait l’oncle, pensa-t-elle ; il a l’air de causer avec un prêtre.
Quelques minutes plus tard, l’oncle arriva. Il disait que ce diable d’Alexandre lui avait raconté des histoires à n’en plus finir.
— Est-ce que ce n’était pas vous qui étiez là tout à l’heure avec un prêtre ? demanda Rose.
— Moi, avec un prêtre ! s’écria-t-il ; où, diable ! avez-vous rêvé cela ! Il n’y a pas de prêtre dans le pays.