tronçons d’arbres fruitiers, épars comme des membres coupés. Dans un coin, la cage qui avait servi aux oiseaux de Désirée, pendait à un clou, lamentable, la porte crevée, avec des bouts de fil de fer qui se hérissaient. Le fou recula, pris de peur, comme s’il avait ouvert la porte d’un caveau. Bégayant, le sang à la gorge, il monta sur la terrasse, rôda devant la porte et les fenêtres closes. La colère, qui grandissait en lui, donnait à ses membres une souplesse de bête ; il se ramassait, marchait sans bruit, cherchait une fissure. Un soupirail de la cave lui suffit. Il s’amincit, se glissa avec une habileté de chat, égratignant le mur de ses ongles. Enfin il était dans la maison.
La cave ne fermait qu’au loquet. Il s’avança au milieu des ténèbres épaisses du vestibule, tâtant les murs, poussant la porte de la cuisine. Les allumettes étaient à gauche, sur une planche. Il alla droit à cette planche, frotta une allumette, s’éclaira pour prendre une lampe sur le manteau de la cheminée, sans rien casser. Puis, il regarda. Il devait y avoir eu, le soir, quelque gros repas. La cuisine était dans un désordre de bombance : les assiettes, les plats, les verres sales, encombraient la table ; une débandade de casseroles, tièdes encore, traînaient sur l’évier, sur les chaises, sur le carreau ; une cafetière, oubliée au bord d’un fourneau allumé, bouillait, le ventre roulé en avant comme une personne soûle. Mouret redressa la cafetière, rangea les casseroles ; il les sentait, flairait les restes de liqueur dans les verres, comptait les plats et les assiettes avec un grondement plus irrité. Ce n’était pas sa cuisine propre et froide de commerçant retiré ; on avait gâché là la nourriture de toute une auberge ; cette malpropreté goulue suait l’indigestion.
— Marthe ! Marthe ! reprit-il en revenant dans le vestibule, la lampe à la main ; réponds-moi, dis-moi où ils t’ont enfermée ? Il faut partir, partir tout de suite.