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LES ROUGON-MACQUART.

la rue, du côté du Mail. Enfin la pompe arriva, avec un tapage de ferraille secouée. Les groupes s’écartèrent ; les quinze pompiers de Plassans parurent, courant et soufflant ; mais, malgré l’intervention de M. Péqueur des Saulaies, il fallut encore un grand quart d’heure pour mettre la pompe en état.

— Je vous dis que le piston ne glisse pas ! criait furieusement le capitaine au sous-préfet, qui prétendait que les écrous étaient trop serrés.

Lorsqu’un jet d’eau s’éleva, la foule eut un soupir de satisfaction. La maison flambait alors, du rez-de-chaussée au second étage, comme une immense torche. L’eau entrait dans le brasier avec un sifflement ; tandis que les flammes, se déchirant en nappes jaunes, s’élevaient plus haut. Des pompiers étaient montés sur le toit de la maison du président, dont ils enfonçaient les tuiles, à coups de pic, pour faire la part du feu.

— La baraque est perdue, murmura Macquart, les mains dans les poches, planté tranquillement sur le trottoir d’en face, d’où il suivait les progrès de l’incendie avec un vif intérêt.

Il s’était formé là, au bord du ruisseau, un salon en plein air. Les fauteuils se trouvaient rangés en demi-cercle, comme pour permettre d’assister à l’aise au spectacle. Madame de Condamin et son mari venaient d’arriver ; ils rentraient à peine de la sous-préfecture, disaient-ils, lorsqu’ils avaient entendu battre le rappel. M. de Bourdeu, M. Maffre, le docteur Porquier, M. Delangre, accompagné de plusieurs membres du conseil municipal, s’étaient également empressés d’accourir. Tous entouraient ces pauvres dames Rastoil, les réconfortaient, s’abordaient avec des exclamations apitoyées. La société finit par s’asseoir sur les fauteuils. Et la conversation s’engagea, pendant que la pompe soufflait à dix pas et que les poutres embrasées craquaient.