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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/396

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LES ROUGON-MACQUART.

de quelques secondes. Il faut dire aussi que cela dépend de la violence du brasier.

M. de Condamin comptait sur ses doigts.

— Si madame Mouret est chez ses parents, comme on le prétend, cela fait toujours quatre : l’abbé Faujas, sa mère, sa sœur et son beau-frère… C’est joli !

À ce moment, madame Rastoil se pencha à l’oreille de son mari.

— Donne-moi ma montre, murmura-t-elle. Je ne suis pas tranquille. Tu te remues. Tu vas t’asseoir dessus.

Une voix ayant crié que le vent poussait les flammèches du côté de la sous-préfecture, M. Péqueur des Saulaies s’excusa, s’élança, afin de parer à ce nouveau danger. Cependant, M. Delangre voulait qu’on tentât un dernier effort pour porter secours aux victimes. Le capitaine des pompiers lui répondit brutalement de monter aux échelles lui-même, s’il croyait la chose possible ; il disait n’avoir jamais vu un feu pareil. C’était le diable qui avait dû allumer ce feu-là, pour que la maison brûlât, comme un fagot, par tous les bouts à la fois. Le maire, suivi de quelques hommes de bonne volonté, fit alors le tour par l’impasse des Chevillottes. Du côté du jardin, peut-être pourrait-on monter.

— Ce serait très beau, si ce n’était pas si triste, remarqua madame de Condamin, qui se calmait.

En effet, l’incendie devenait superbe. Des fusées d’étincelles montaient dans de larges flammes bleues ; des trous d’un rouge ardent se creusaient au fond de chaque fenêtre béante ; tandis que la fumée roulait doucement, s’en allait en un gros nuage violâtre, pareille à la fumée des feux de Bengale, pendant les feux d’artifice. Ces dames et ces messieurs s’étaient pelotonnés dans les fauteuils ; ils s’accoudaient, s’allongeaient, levaient le menton ; puis, des silences se faisaient, coupés de remarques, lorsqu’un tourbillon de flammes plus violent s’élevait. Au loin, dans les clartés dan-