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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/80

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LES ROUGON-MACQUART.

recula lentement, en voyant madame Rastoil, debout à quelques pas, revenir s’asseoir entre ses deux filles, comme pour les mettre sous son aile et les protéger de son contact. Il s’accouda au piano qu’il trouva derrière lui, il demeura là, le front haut, la face dure et muette comme une face de Pierre. Décidément, il y avait complot, on le traitait en paria.

Dans son immobilité, le prêtre dont les regards fouillaient le salon, sous ses paupières à demi closes, eut un geste aussitôt réprimé. Il venait d’apercevoir, derrière une véritable barricade de jupes, l’abbé Fenil, allongé dans un fauteuil, souriant discrètement. Leurs yeux s’étant rencontrés, ils se regardèrent pendant quelques secondes, de l’air terrible de deux duellistes engageant un combat à mort. Puis, il se fit un bruit d’étoffe, et le grand vicaire disparut de nouveau dans les dentelles des dames.

Cependant, Félicité avait manœuvré habilement pour s’approcher du piano. Elle y installa l’aînée des demoiselles Rastoil, qui chantait agréablement la romance. Puis, lorsqu’elle put parler sans être entendue, attirant l’abbé Faujas dans l’embrasure d’une fenêtre :

— Qu’avez-vous donc fait à l’abbé Fenil ? lui demanda-t-elle.

Ils continuèrent à voix très basse. Le prêtre d’abord avait feint la surprise ; mais, lorsque madame Rougon eut murmuré quelques paroles qu’elle accompagnait de haussements d’épaules, il parut se livrer, il causa. Ils souriaient tous les deux, semblaient échanger des politesses, tandis que l’éclat de leurs yeux démentait cette banalité jouée. Le piano se tut, et il fallut que l’aînée des demoiselles Rastoil chantât la Colombe du soldat, qui avait alors un grand succès.

— Votre début est tout à fait malheureux, murmurait Félicité ; vous vous êtes rendu impossible, je vous conseille de ne pas revenir ici de quelque temps… Il faut vous