du regard ; il ne put s’empêcher de dire avec un rire sournois :
— Monsieur l’abbé, vous avez eu tort de faire toilette pour venir ici. Nous sommes sans façon, vous le savez bien.
Marthe rougit. Mais le prêtre raconta gaiement qu’il avait acheté cette soutane dans la journée. Il la gardait pour faire plaisir à sa mère, qui le trouvait plus beau qu’un roi, ainsi vêtu de neuf.
— N’est-ce pas, mère ?
Madame Faujas fit un signe affirmatif, sans quitter son fils des yeux. Elle s’était assise en face de lui, elle le regardait sous la clarté crue de la lampe, d’un air d’extase.
Puis, on causa de toutes sortes de choses. Il semblait que l’abbé Faujas eût perdu sa froideur triste. Il restait grave, mais d’une gravité obligeante, pleine de bonhomie. Il écouta Mouret, lui répondit sur les sujets les plus insignifiants, parut s’intéresser à ses commérages. Celui-ci en était venu à lui expliquer la façon dont il vivait :
— Ainsi, finit-il par dire, nous passons la soirée comme vous le voyez là ; jamais plus d’embarras. Nous n’invitons personne, parce qu’on est toujours mieux en famille. Chaque soir, je fais un piquet avec ma femme. C’est une vieille habitude, j’aurais de la peine à m’endormir autrement.
— Mais nous ne voulons pas vous déranger, s’écria l’abbé Faujas. Je vous prie en grâce de ne pas vous gêner pour nous.
— Non, non, que diable ! je ne suis pas un maniaque ; je n’en mourrai pas, pour une fois.
Le prêtre insista. Voyant que Marthe se défendait avec plus de vivacité encore que son mari, il se tourna vers sa mère, qui restait silencieuse, les deux mains croisées devant elle.
— Mère, lui dit-il, faites donc un piquet avec monsieur Mouret.