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Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/91

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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

Elle le regarda attentivement dans les yeux. Mouret continuait à s’agiter, refusant, déclarant qu’il ne voulait pas troubler la soirée ; mais, quand le prêtre lui eut dit que sa mère était d’une jolie force, il faiblit, il murmura :

— Vraiment ?… Alors, si madame le veut absolument, si cela ne contrarie personne…

— Allons, mère, faites une partie, répéta l’abbé Faujas d’une voix plus nette.

— Certainement, répondit-elle enfin, ça me fera plaisir… Seulement, il faut que je change de place.

— Pardieu ! ce n’est pas difficile, reprit Mouret enchanté. Vous allez changer de place avec votre fils… Monsieur l’abbé, ayez donc l’obligeance de vous mettre à côté de ma femme ; madame va s’asseoir là, à côté de moi… Vous voyez, c’est parfait, maintenant.

Le prêtre, qui s’était d’abord assis en face de Marthe, de l’autre côté de la table, se trouva ainsi poussé auprès d’elle. Ils furent même comme isolés à un bout, les joueurs ayant rapproché leurs chaises pour engager la lutte. Octave et Serge venaient de monter dans leur chambre. Désirée, comme à son habitude, dormait sur la table. Quand dix heures sonnèrent, Mouret, qui avait perdu une première partie, ne voulut absolument pas aller se coucher ; il exigea une revanche. Madame Faujas consulta son fils d’un regard ; puis, de son air tranquille, elle se mit à battre les cartes. Cependant, l’abbé échangeait à peine quelques mots avec Marthe. Ce premier soir, il parla de choses indifférentes, du ménage, du prix des vivres à Plassans, des soucis que les enfants causent. Marthe répondait obligeamment, levant de temps à autre son regard clair, donnant à la conversation un peu de sa lenteur sage.

Il était près de onze heures, lorsque Mouret jeta ses cartes avec quelque dépit.

— Allons, j’ai encore perdu, dit-il. Je n’ai pas eu une