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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/101

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LA CURÉE

pendant lequel il était tombé, au soleil couchant, une pluie si drue de louis d’or sur le quartier de la Madeleine. Il sourit ; il pensa que le nuage radieux avait crevé chez lui, dans sa cour, et qu’il allait ramasser les pièces de vingt francs.

Tandis que Renée, installée luxueusement dans l’appartement de la rue de Rivoli, au milieu de ce Paris nouveau dont elle allait être une des reines, méditait ses futures toilettes et s’essayait à sa vie de grande mondaine, son mari soignait dévotement sa première grande affaire. Il lui achetait d’abord la maison de la rue de la Pépinière, grâce à l’intermédiaire d’un certain Larsonneau, qu’il avait rencontré furetant comme lui dans les bureaux de l’Hôtel de Ville, mais qui avait eu la bêtise de se laisser surprendre un jour qu’il visitait les tiroirs du préfet. Larsonneau s’était établi agent d’affaires, au fond d’une cour noire et humide du bas de la rue Saint-Jacques. Son orgueil, ses convoitises y souffraient cruellement. Il se trouvait au même point que Saccard avant son mariage ; il avait, disait-il, inventé, lui aussi, « une machine à pièces de cent sous ; » seulement les premières avances lui manquaient pour tirer parti de son invention. Il s’entendit à demi mots avec son ancien collègue, et il travailla si bien, qu’il eut la maison pour cent cinquante mille francs. Renée, au bout de quelques mois, avait déjà de gros besoins d’argent. Le mari n’intervint que pour autoriser sa femme à vendre. Quand le marché fut conclu, elle le pria de placer en son nom cent mille francs qu’elle lui remit en toute confiance, pour le toucher sans doute et lui faire fermer les yeux sur les cinquante mille francs qu’elle gardait en poche. Il sourit d’un air fin ; il entrait dans ses calculs qu’elle