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LES ROUGON-MACQUART

était dans le grand salon, ravi par l’or de l’ameublement et du plafond, profondément heureux de ce luxe au milieu duquel il allait vivre, lorsque Renée, qui revenait de chez son tailleur, entra comme un coup de vent. Elle jeta son chapeau et le burnous blanc qu’elle avait mis sur ses épaules pour se protéger contre le froid déjà vif. Elle apparut à Maxime, stupéfait d’admiration, dans tout l’éclat de son merveilleux costume.

L’enfant la crut déguisée. Elle portait une délicieuse jupe de faye bleue, à grands volants, sur laquelle était jetée une sorte d’habit de garde-française de soie gris tendre. Les pans de l’habit, doublé de satin bleu plus foncé que la faye du jupon, étaient galamment relevés et retenus par des nœuds de ruban ; les parements des manches plates, les grands revers du corsage s’élargissaient, garnis du même satin. Et, comme assaisonnement suprême, comme pointe risquée d’originalité, de gros boutons imitant le saphir, pris dans des rosettes azur, descendaient le long de l’habit, sur deux rangées. C’était laid et adorable.

Quand Renée aperçut Maxime :

— C’est le petit, n’est-ce pas ? demanda-t-elle au domestique, surprise de le voir aussi grand qu’elle.

L’enfant la dévorait du regard. Cette dame si blanche de peau, dont on apercevait la poitrine dans l’entrebâillement d’une chemisette plissée, cette apparition brusque et charmante, avec sa coiffure haute, ses fines mains gantées, ses petites bottes d’homme dont les talons pointus s’enfonçaient dans le tapis, le ravissait, lui semblait la bonne fée de cet appartement tiède et doré. Il se mit à sourire, et il fut tout juste assez gauche pour garder sa grâce de gamin.