Aller au contenu

Page:Emile Zola - La Curée.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
146
LES ROUGON-MACQUART

Mme Lauwerens eut un regard froid pour la toilette fripée de Mme Sidonie, dans laquelle elle flaira une rivale. Et ce fut de sa main que Renée reçut son premier ennui, le jeune duc de Rozan, que la belle financière plaçait très difficilement. L’école classique ne l’emporta que plus tard, lorsque Mme Sidonie prêta son entresol au caprice de sa belle-sœur pour l’inconnu du quai Saint-Paul. Elle resta sa confidente.

Mais un des fidèles de Mme Sidonie fut Maxime. Dès quinze ans, il allait rôder chez sa tante, flairant les gants oubliés qu’il rencontrait sur les meubles. Celle-ci, qui détestait les situations franches et qui n’avouait jamais ses complaisances, finit par lui prêter les clefs de son appartement, certains jours, disant qu’elle resterait jusqu’au lendemain à la campagne. Maxime parlait d’amis à recevoir qu’il n’osait faire venir chez son père. Ce fut dans l’entresol de la rue du Faubourg-Poissonnière qu’il passa plusieurs nuits avec cette pauvre fille qu’on dut envoyer à la campagne. Mme Sidonie empruntait de l’argent à son neveu, se pâmait devant lui, en murmurant de sa voix douce qu’il était « sans un poil, rose comme un Amour. »

Cependant, Maxime avait grandi. C’était, maintenant, un jeune homme mince et joli, qui avait gardé les joues roses et les yeux bleus de l’enfant. Ses cheveux bouclés achevaient de lui donner cet « air fille » qui enchantait les dames. Il ressemblait à la pauvre Angèle, avait sa douceur de regard, sa pâleur blonde. Mais il ne valait pas même cette femme indolente et nulle. La race des Rougon s’affinait en lui, devenait délicate et vicieuse. Né d’une mère trop jeune, apportant un singulier mélange, heurté et comme disséminé, des appétits furieux