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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/165

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LA CURÉE

en servant de prête-nom à une dame dans une vente de terrains.

Ce fut vers l’époque de leur installation au parc Monceau, qu’une apparition passa dans la vie de Renée, en lui laissant une impression ineffaçable. Jusque-là, le ministre avait résisté aux supplications de sa belle-sœur, qui mourait d’envie d’être invitée aux bals de la cour. Il céda enfin, croyant la fortune de son frère définitivement assise. Pendant un mois, Renée n’en dormit pas. La grande soirée arriva, et elle était toute tremblante dans la voiture qui la menait aux Tuileries.

Elle avait une toilette prodigieuse de grâce et d’originalité, une vraie trouvaille qu’elle avait faite dans une nuit d’insomnie, et que trois ouvriers de Worms étaient venus exécuter chez elle, sous ses yeux. C’était une simple robe de gaze blanche, mais garnie d’une multitude de petits volants découpés et bordés d’un filet de velours noir. La tunique, de velours noir, était décolletée en carré, très bas sur la gorge, qu’encadrait une dentelle mince, haute à peine d’un doigt. Pas une fleur, pas un bout de ruban ; à ses poignets, des bracelets sans une ciselure, et sur sa tête, un étroit diadème d’or, un cercle uni qui lui mettait comme une auréole.

Quand elle fut dans les salons et que son mari l’eut quittée pour le baron Gouraud, elle éprouva un moment d’embarras. Mais les glaces, où elle se voyait adorable, la rassurèrent vite, et elle s’habituait à l’air chaud, au murmure des voix, à cette cohue d’habits noirs et d’épaules blanches, lorsque l’empereur parut. Il traversait lentement le salon, au bras d’un général gros et court, qui soufflait comme s’il avait eu une digestion difficile. Les épaules se rangèrent sur deux haies, tandis que les ha-