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LA CURÉE

belle-mère, il feignit une grande compassion, et monta quatre fois par jour demander de ses nouvelles avec des mines désolées, uniquement pour la taquiner. Le troisième jour, il la trouva dans le petit salon, rose, souriante, l’air calme et reposé.

— Eh bien ! t’es-tu beaucoup amusée avec Céleste ? lui demanda-t-il, faisant allusion au long tête-à-tête qu’elle venait d’avoir avec sa femme de chambre.

— Oui, répondit-elle, c’est une fille précieuse. Elle a toujours les mains glacées ; elle me les posait sur le front et calmait un peu ma pauvre tête.

— Mais c’est un remède, cette fille-là ! s’écria le jeune homme. Si j’avais le malheur de tomber jamais amoureux, tu me la prêterais, n’est-ce pas ? pour qu’elle mît ses deux mains sur mon cœur.

Ils plaisantèrent, ils firent au Bois leur promenade accoutumée. Quinze jours se passèrent. Renée s’était jetée plus follement dans sa vie de visites et de bals ; sa tête semblait avoir tourné une fois encore, elle ne se plaignait plus de lassitude et de dégoût. On eût dit seulement qu’elle avait fait quelque chute secrète, dont elle ne parlait pas, mais qu’elle confessait par un mépris plus marqué pour elle-même et par une dépravation plus risquée dans ses caprices de grande mondaine. Un soir, elle avoua à Maxime qu’elle mourait d’envie d’aller à un bal que Blanche Muller, une actrice en vogue, donnait aux princesses de la rampe et aux reines du demi-monde. Cet aveu surprit et embarrassa le jeune homme lui-même, qui n’avait pourtant pas de grands scrupules. Il voulut catéchiser sa belle-mère : vraiment, ce n’était pas là sa place ; elle n’y verrait, d’ailleurs, rien de bien drôle ; puis, si elle était reconnue, cela ferait scandale.