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LES ROUGON-MACQUART

viveurs qui venaient à ses jeudis. Elle se croyait dans son salon, par moments, lorsqu’elle se trouvait en face d’un groupe d’habits noirs souriants, qui, la veille, avaient, chez elle, le même sourire, en parlant à la marquise d’Espanet ou à la blonde Mme Haffner. Et lorsqu’elle regardait les femmes, l’illusion ne cessait pas complètement. Laure d’Aurigny était en jaune comme Suzanne Haffner, et Blanche Muller avait, comme Adeline d’Espanet, une robe blanche qui la décolletait jusqu’au milieu du dos. Enfin, Maxime demanda grâce, et elle voulut bien s’asseoir avec lui sur une causeuse. Ils restèrent là un instant, le jeune homme bâillant, la jeune femme lui demandant les noms de ces dames, les déshabillant du regard, comptant les mètres de dentelles qu’elles avaient autour de leurs jupes. Comme il la vit plongée dans cette étude grave, il finit par s’échapper, obéissant à un appel que Laure d’Aurigny lui faisait de la main. Elle le plaisanta sur la dame qu’il avait au bras. Puis elle lui fit jurer de venir les rejoindre, vers une heure, au café Anglais.

— Ton père en sera, lui cria-t-elle, au moment où il rejoignait Renée.

Celle-ci se trouvait entourée d’un groupe de femmes qui riaient très fort, tandis que M. de Saffré avait profité de la place laissée libre par Maxime, pour se glisser à côté d’elle et lui dire des galanteries de cocher. Puis M. de Saffré et les femmes, tout ce monde s’était mis à crier, à se taper sur les cuisses, si bien que Renée, les oreilles brisées, bâillant à son tour, se leva en disant à son compagnon :

— Allons-nous-en, ils sont trop bêtes !

Comme ils sortaient, M. de Mussy entra. Il parut en-