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LES ROUGON-MACQUART

Renée qu’elle pénétrait dans le demi-jour d’un lieu suspect et charmant.

Un roulement continu entrait par la fenêtre grande ouverte, et sur le plafond, dans les reflets du café d’en bas, passaient les ombres rapides des promeneurs. Mais, d’un coup de pouce, le garçon haussa le gaz. Les ombres du plafond disparurent, le cabinet s’emplit d’une lumière crue qui tomba en plein sur la tête de la jeune femme. Elle avait déjà rejeté son capuchon en arrière. Les petits frisons s’étaient un peu ébouriffés dans le fiacre, mais le ruban bleu n’avait pas bougé. Elle se mit à marcher, gênée par la façon dont Charles la regardait ; il avait un clignement d’yeux, un pincement de paupières, pour mieux la voir, qui signifiait clairement : « En voilà une que je ne connais pas encore. »

— Que servirai-je à monsieur ? demanda-t-il à voix haute.

Maxime se tourna vers Renée.

— Le souper de M. de Saffré, n’est-ce pas ? dit-il, des huîtres, un perdreau…

Et, voyant le jeune homme sourire, Charles l’imita, discrètement, en murmurant :

— Alors, le souper de mercredi, si vous voulez ?

— Le souper de mercredi…, répétait Maxime.

Puis, se rappelant :

— Oui, ça m’est égal, donnez-nous le souper de mercredi.

Quand le garçon fut sorti, Renée prit son binocle et fit curieusement le tour du petit salon. C’était une pièce carrée, blanche et or, meublée avec des coquetteries de boudoir. Outre la table et les chaises, il y avait un meuble bas, une sorte de console, où l’on desservait, et un