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Page:Emile Zola - La Curée.djvu/183

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LA CURÉE

ce cabinet, ce tête-à-tête avec un jeune homme dans le brouhaha de la rue la fouettaient, lui donnaient un air fille. Ce fut avec décision qu’elle attaqua les huîtres. Maxime n’avait pas faim, il la regarda dévorer en souriant.

— Diable ! murmura-t-il, tu aurais fait une bonne soupeuse.

Elle s’arrêta, fâchée de manger si vite.

— Tu trouves que j’ai faim. Que veux-tu ? C’est cette heure de bal idiot qui m’a creusée… Ah ! mon pauvre ami, je te plains de vivre dans ce monde-là !

— Tu sais bien, dit-il, que je t’ai promis de lâcher Sylvia et Laure d’Aurigny le jour où tes amies voudront venir souper avec moi.

Elle eut un geste superbe.

— Pardieu ! je crois bien. Nous sommes autrement amusantes que ces dames, avoue-le… Si une de nous assommait un amant comme ta Sylvia et ta Laure d’Aurigny doivent vous assommer, mais la pauvre petite femme ne garderait pas cet amant une semaine !… Tu ne veux jamais m’écouter. Essaye, un de ces jours.

Maxime, pour ne pas appeler le garçon, se leva, enleva les coquilles d’huîtres et apporta le perdreau qui était sur la console. La table avait le luxe des grands restaurants. Sur la nappe damassée, un souffle d’adorable débauche passait, et c’était avec de petits frémissements d’aise que Renée promenait ses fines mains de sa fourchette à son couteau, de son assiette à son verre. Elle but du vin blanc sans eau, elle qui buvait ordinairement de l’eau à peine rougie. Comme Maxime, debout, sa serviette sur le bras, la servait avec des complaisances comiques, il reprit :