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LA CURÉE

douceur. La courtière parla longtemps, pareille à une eau tiède et monotone.

— C’est Mme de Lauwerens qui a gâté votre existence. Vous n’avez jamais voulu me croire. Ah ! vous n’en seriez pas à pleurer au coin de votre cheminée si vous ne vous étiez pas défiée de moi… Et je vous aime comme mes yeux, ma toute belle. Vous avez un pied ravissant. Vous allez vous moquer de moi, mais je veux vous conter mes folies : quand il y a trois jours que je ne vous ai vue, il faut absolument que je vienne pour vous admirer ; oui, il me manque quelque chose ; j’ai besoin de me rassasier de vos beaux cheveux, de votre visage si blanc et si délicat, de votre taille mince… Vrai, je n’ai jamais vu de taille pareille.

Renée finit par sourire. Ses amants n’avaient pas eux-mêmes cette chaleur, cette extase recueillie, en lui parlant de sa beauté. Mme Sidonie vit ce sourire.

— Allons, c’est convenu, dit-elle en se levant vivement… Je bavarde, je bavarde, et j’oublie que je vous casse la tête… Vous viendrez demain, n’est-ce pas ? Nous causerons argent, nous chercherons un prêteur… Entendez-vous, je veux que vous soyez heureuse.

La jeune femme, sans bouger, pâmée par la chaleur, répondit après un silence, comme s’il lui avait fallu un travail laborieux pour comprendre ce qu’on disait autour d’elle :

— Oui, j’irai, c’est convenu, et nous causerons ; mais pas demain… Worms se contentera d’un acompte. Quand il me tourmentera encore, nous verrons… Ne me parlez plus de tout cela. J’ai la tête brisée par les affaires.

Mme Sidonie parut très contrariée. Elle allait se ras-